Polémique autour de la restauration d'une œuvre de Banksy à Venise

Polémique autour de la restauration d'une œuvre de Banksy à Venise - The Art Avenue

Le Street Art : Un Art Éphémère ou un Patrimoine à Préserver ?

La restauration controversée d'une œuvre de Banksy à Venise soulève des questions fondamentales

Un Phénomène Artistique Mondial

Depuis son apparition dans les rues des grandes métropoles, le street art est devenu un phénomène culturel incontournable. Reconnu pour son audace et sa capacité à transformer l'espace urbain, il pose cependant des questions sur sa préservation, notamment à travers le cas récent de la restauration d'une œuvre de Banksy à Venise.

L'Œuvre de Banksy à Venise : Un Symbole de la Diversité du Street Art

En mai 2019, une fresque murale évocatrice de Banksy est apparue à Venise, capturant l'imaginaire public avec l'image d'un enfant en gilet de sauvetage tenant une fusée de détresse rose. Cette œuvre, située au cœur du quartier étudiant de Dorsoduro, s'est distinguée non seulement par son message poignant mais aussi par sa synchronicité avec la Biennale de Venise, un événement artistique majeur.

La fresque, intitulée "Migrant Child", s'inscrit dans un contexte où les questions de migration et d'immigration sont prédominantes. Elle se présente en contraste frappant avec une autre installation de la Biennale, "Barca Nostra" de l'artiste Christoph Büchel, une embarcation rouillée qui a coulé en 2015, causant la mort de près de 1000 personnes.

L'œuvre de Banksy, qui n'a pas été immédiatement authentifiée par Pest Control, son organe d'authentification, est apparue pendant la "vernissage" de la Biennale, selon Artribune, un journal italien. Sa dégradation progressive due à l'exposition à l'eau salée de la lagune vénitienne a transformé l'œuvre en une attraction touristique, attirant l'attention sur la fragilité et l'éphémérité de l'art de rue.

Banksy, connu pour aborder fréquemment la crise des réfugiés dans ses œuvres, a également réalisé des fresques à Calais, connu sous le nom de "la Jungle". Parmi ces œuvres, on retrouve une représentation de Steve Jobs, fondateur d'Apple et fils d'un migrant syrien, ainsi qu'une adaptation de "Le Radeau de la Méduse" de Théodore Géricault, mettant en scène des migrants tentant de faire signe à un yacht de luxe.

A lire : Qui est Banksy ?

Ces œuvres de Banksy à Venise et à Calais s'inscrivent dans une démarche artistique visant à mettre en lumière les complexités et les contradictions des crises migratoires contemporaines, tout en interrogeant la nature éphémère de l'art de rue et son rôle dans le discours social et politique.

La Restauration : Entre Conservation et Éphémérité

La décision du ministère italien de la Culture de restaurer une œuvre de Banksy à Venise a déclenché un vif débat dans le monde de l'art. Cette fresque, peinte sur un palais vénitien abandonné, représente un enfant vêtu d'un gilet de sauvetage, tenant une torche dans sa main. Apparue durant la Biennale d'art contemporain de 2019, elle est rapidement devenue une attraction touristique supplémentaire dans la Cité des Doges. Cependant, l'humidité et le sel ont commencé à endommager l'œuvre, menaçant sa pérennité.

Le propriétaire du palais, inquiet de la détérioration de l'œuvre, a sollicité l'intervention de la Sopraintendenza dei Beni Culturali, l'organisme italien chargé du patrimoine culturel. Toutefois, face à l'incompétence déclarée de cette institution pour une œuvre aussi récente, le maire de Venise, Luigi Brugnaro, et le président de la région Vénétie, Luca Zaia, ont fait appel à Vittorio Sgarbi, sous-secrétaire à la Culture. Sgarbi s'est engagé à restaurer "l'Enfant Migrant", avec un financement privé fourni par une banque italienne.

Ce projet de restauration, cependant, a divisé l'opinion publique et les professionnels de l'art. Alors que certains soutiennent la préservation de l'œuvre pour son importance sociologique, d'autres, comme l'artiste local Evyrein, considèrent que la restauration d'une œuvre de street art, par nature éphémère et destinée à disparaître, est un non-sens. Monica Gambarotto, une guide touristique, souligne que la peinture sur les palais vénitiens est une technique éphémère par essence, et que tout acte de vandalisme éphémère peut devenir un témoignage historique. Cependant, elle exprime des doutes sur la pertinence de la restauration.

Rosanna Carrieri, activiste de l'association culturelle "Mi Riconosci", souligne l'importance de consulter l'artiste et la communauté locale avant toute opération de restauration. Mais Sgarbi réfute l'idée de consulter Banksy, affirmant que l'œuvre ayant été réalisée illégalement, on peut en faire ce que l'on veut.

La situation est encore compliquée par les problèmes plus larges auxquels Venise est confrontée, notamment le tourisme excessif et le manque de logements. Matteo Pandolfo, membre de l'association des architectes vénitiens, critique le fait que le palais soit vide depuis des décennies, alors que la ville a un besoin urgent de logements. Carrieri ajoute que se concentrer sur "l'Enfant Migrant" peut détourner l'attention des véritables enjeux sociaux et politiques soulevés par l'œuvre.

Banksy et le Street Art : Une Position Ambiguë

Banksy, connu pour son opposition au marché de l'art et ses coups de poing artistiques, n'a pas réagi officiellement à cette restauration. Cette situation souligne la complexité du rapport entre les artistes de rue et la préservation de leurs œuvres, souvent créées sans autorisation légale.

Le Street Art et le Patrimoine Culturel : Un Débat Ouvert

Le cas de la fresque de Banksy à Venise soulève des questions essentielles sur la place du street art dans notre patrimoine culturel. Faut-il conserver ces œuvres éphémères, même issues d'actes illégaux, comme des témoignages artistiques et historiques ? Ou faut-il respecter leur nature éphémère, reflétant un instant et un contexte particulier ?

Perspectives Futures : Repenser la Conservation du Street Art

L'avenir du street art et de sa conservation, un sujet complexe et controversé, a été récemment mis en lumière par l'action radicale de l'artiste urbain Blu. À Bologne, sa ville natale, Blu a effacé toutes ses œuvres, soit près de vingt années d'interventions murales, en réaction à une exposition sur le street art intitulée « Street Art, Banksy & Co. L’arte allo stato urbano ». Cette exposition, qui prévoyait de présenter environ 250 œuvres et documents, était perçue par Blu comme une tentative de « thésaurisation privée » du street art.



Blu, qui maintient son anonymat, a critiqué la méthode employée pour l'exposition, qui consistait à prélever des œuvres dans la rue pour les « sauver » de la dégradation, sans le consentement des artistes. Cette approche a été largement contestée, notamment par le collectif d’écrivains Wu Ming, qui a exprimé le point de vue de Blu, affirmant que face à l'arrogance de ceux qui retirent les peintures des murs, la seule réaction possible est de les faire disparaître, pour empêcher le pillage.

Cette action de Blu a soulevé des questions sur la légitimité morale et juridique de prélever des œuvres de street art pour les exposer dans des musées, un acte qui va à l'encontre de l'essence éphémère et contextuelle de ces œuvres créées pour la rue. Cette initiative a également été critiquée comme représentative d'un modèle urbain basé sur la transformation de la créativité en marchandise, pour le bénéfice d'une élite.

La décision de Blu de supprimer ses œuvres à Bologne, qualifiée de « bouton reset massif » par le site spécialisé Vandalog, crée une opportunité de renouvellement contre-culturel pour la prochaine génération. Le site a encouragé le public à boycotter l'exposition, la considérant comme un affront au street art.

Vers une Nouvelle Compréhension du Street Art

La restauration de l'œuvre de Banksy à Venise nous invite à repenser notre approche du street art. Témoignage éphémère d'un moment et d'un lieu, ou partie intégrante de notre héritage culturel ? Cette question demeure au cœur des discussions sur l'avenir de l'art urbain et sa place dans notre société.